éd. Aladdin  

     

  
  
  
Des détails!

   

 

 

Le songe de Faust

par Frank Pierobon

Ce pourrait être l’histoire d’un grabataire qui agonise sous anesthésie. Ou alors c’est l’histoire d’un homme qui aurait voulu être entendu de Dieu et que seul un démon daigna écouter. Ou plutôt nous dirions que c’est l’histoire réinventée et mise au goût du jour d’un Faust revenu de tout et qui doit accepter, dans l’angoisse de sa fin prochaine, qu’il n’est qu’un homme ordinaire, pas grand-chose sinon un stéréotype ambulant, une marionnette à fil, une silhouette à contre-jour… en tout cas, c’est du théâtre !

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Avec Le songe de Faust, il s’agit en effet d’une pièce de théâtre, à deux personnages, Faust et Méphistophélès, avec ceci de particulier que le texte en est suivi d’un essai distinct, Faust revisité, qui glose sur différents aspects de ce grand schème de la littérature fantastique. Ça sent le programme dont on s’impose la lecture en attendant que le rideau se lève. 

 

Le point de départ du Songe de Faust est peu ou prou réaliste : voilà un homme plongé dans ce monde souterrain que lui ouvre une anesthésie générale. Il le sait et l’ignore. Il délire et il pense sérieusement. Il fait des phrases pour se fuir et se surprend à trouver des vérités dont il sait qu’elles le tueront. Il se dédouble : il est lui-même et Méphisto, ce qui prouve donc qu’il est Faust. Il est un acteur sur une scène qui réplique à un autre, en se calant sur ses intonations et son rythme caractéristique.

 

L'auteur s'est évertué à produire une atmosphère fantastique pour ce dialogue crépusculaire, en soi-même et son ombre, avec des couleurs de cauchemar, de farce et de mystère médiéval. Le public est appelé à s’interroger constamment, ce qui le tient en haleine : qui ment, qui dit la vérité ? Qui joue à qui perd-gagne et qui voudrait que, de grâce, on arrête enfin de jouer ? 

 

C’est aussi, à travers ce conte philosophique retissé en dialogue platonicien, un récit initiatique et par conséquent terrifiant qui « philosophe à coup de marteaux » pour en finir avec la posture de l’ancien combattant pathétique qui s’était toujours donné pour rationaliste éclairé et sagace… Et c’est enfin un essai pour faire de la philosophie au-delà des codes et des conventions qui la caractérisent, un essai où l’on se dirait enfin tout, l’on n’aurait peur de rien, l’on ne tairait rien, où l’on affronterait les terribles tricheries que nous imposent de probables et fantomatiques traumas qui, parce qu’on n’en veut rien savoir, gagnent à proportion de nos dénis une puissance telle que toutes ensemble elles finissent par se faire passer pour notre âme même, une âme plus vraie que la nôtre. 

 

Mais qu’on se rassure enfin, tout cela n’est qu’un jeu, un mystère, un divertissement : le Diable n’existe pas, comme on sait, et notre âme non plus, comme on refuse de le croire. Ce Méphisto-là n’a pas besoin d’incarner le Mal, dès lors qu’aujourd’hui, nous ne croyons plus possible de vivre par le Bien.